Histoire de la Gare de La Sauvetat du Dropt située sur les terres d’Agnac
Histoire de la gare d’après les recherches de Monsieur Eric Comont
La gare de La Sauvetat-du-Dropt, ou l’histoire d’une rencontre improbable et mouvementée avec une voiture de luxe (wagon pullman n°4150) de la Compagnie des Wagons-Lits en juin 1944
Préambule
Début juillet 2017, le Chemin de Fer de la Vendée (CFV) réceptionnait après quelques péripéties, le wagon pullman n°4150. Ce wagon inscrit aux monuments historiques avait été confié par l’armée au CFV, et avant son arrivée, un travail historique nécessaire à sa restauration avait été entamé, lequel n’a pas cessé depuis. Très vite, l’histoire de ce véhicule prestigieux s’est révélée passionnante, avec des épisodes singuliers, qui vont me conduire avec d’autres personnes, dont un membre de l’association, aux confins de la Dordogne et du Lot et Garonne, et de la gare de la Sauvetat-du-Dropt en particulier. C’est à la fois les contacts avec la commune de La Sauvetat, et les informations accumulées qui ont fait germer l’idée de retracer l’histoire de la gare, et « l’irruption » du 4150 dans cette gare en juin 1944.
L’objectif de ces épisodes est double : Retracer les faits historiques importants relatifs à la gare de la Sauvetat-du-Dropt, afin de comprendre les raisons qui ont poussé la Compagnie des Wagons-Lits à placer du matériel dans cette gare et d’autres, aux limites de la Dordogne et du Lot-et-Garonne. Une remarque, la notion de gare renvoie à un espace dans lequel on va trouver différentes installations, plus ou moins développées, cela désigne également le bâtiment destiné aux voyageurs, avec un guichet, une salle d’attente et un espace bagages. Le terme sera utilisé dans ces deux sens.
Cela a nécessité de revenir sur l’histoire locale, où l’arrivée du Chemin de Fer à la fin du XIXème siècle, a eu un impact économique et social important, et ce à l’image de beaucoup d’autres régions rurales françaises, et quasi oublié depuis. On est aussi dans le présent et le futur, avec cette voiture qui fait le lien entre l’histoire locale de la gare de La Sauvetat, et la vie actuelle du CFV. C’est aussi une forme de contribution à cette histoire, et l’objectif au final, est de la partager en toute simplicité.
Outre l’histoire de la gare, chaque épisode comprendra un point travaux sur la restauration du pullman 4150. Ces épisodes sont construits à partir des informations disponibles à la date de rédaction, et peuvent être modifiés en fonction de mises à jour. Les informations sont parfois limitées, et certaines demanderaient un gros travail de recherche qui n’est pas possible en l’état, ou tout au moins à court terme. Evidemment, toutes les questions et tous les témoignages relatifs à ces épisodes sont les bienvenus, et pour ces derniers, ils seront intégrés dans cet historique.
Un aspect important, c’est de respecter les propriétaires actuels des bâtiments de l’ancienne gare, et la tranquillité des lieux.
Bonne lecture à tous
Eric COMONT, membre du Chemin de Fer de la Vendée, octobre 2020
PRÉAMBULE, PLAN PRÉVISIONNEL DES ÉPISODES ET BIBLIOGRAPHIE
Episode n°1 : La gare de la Sauvetat-du-Dropt lors de son exploitation ferroviaire – Eric Comont
Généralités
La gare de la Sauvetat-du-Dropt est représentative des gares construites en milieu rural, où il a fallu composer avec la géographie locale et la proximité d’une commune. En effet, Les gares sont construites sur des terrains plats, ce qui limite leur localisation, tout comme le positionnement de la voie liée au relief et aux cours d’eau, ici le Dropt. A cela s’ajoute à l’époque de leur construction, des rivalités entre les communes pour avoir « la gare » synonyme de modernité … ou très rarement, une opposition d’une autre. Ainsi, les compagnies de chemin de fer pour satisfaire le maximum de communes, venaient parfois à mettre la gare « au milieu de nulle part », et ce compromis est souvent devenu une des raisons importantes de la désaffection du public pour le train dans les années 20/30, et ultérieurement de la fermeture de ces lignes et des gares.
Document n°1 : La gare de la Sauvetat-du-Dropt avant 1914
Vue générale de la gare, on est vers le début du XXème siècle, avec des voyageurs et du personnel de la gare qui prennent la pose, le temps de la photo. On notera des voies enherbées, qui pouvaient provoquer des patinages lors de pluies (Collec. E. Comont).
C’est pourquoi, la gare de la Sauvetat-du-Dropt est située sur la commune d’Agnac-Saint-Pardoux, tout en étant bien plus proche du centre de la commune de la Sauvetat (à 800 m environ), que du centre-ville d’Agnac situé à près de 2,5 km. Cette proximité permet de comprendre que le nom retenu de la gare ait été au final celui de la Sauvetat-du-Dropt.
Le bâtiment de la gare n’est pas modeste, surtout pour une commune qui comptait 700 habitants à la fin du XIXème siècle. On aurait pu s’attendre à un simple rez-de-chaussée, à trois, voire deux portes. Dans le cas présent il présente trois travées avec un étage réservé au logement du chef de gare et de sa famille. Cette disposition traduit l’importance d’avoir une présence « permanente » sur le site, et donc de l’importance de la gare. Autre point, la halle aux marchandises est totalement séparée du bâtiment de la gare, ceci traduit à nouveau un trafic attendu non négligeable….
Épisode 2 : La gare de la Sauvetat-du-Dropt : Les circulations sur les lignes et en gare jusqu’à la veille de la seconde guerre mondiale
Généralités : retour sur l’histoire de la Compagnie du Paris-Orléans pour quelques repères.
Avant d’examiner les circulations de la gare de la Sauvetat-du-Dropt, il est nécessaire de revenir brièvement sur la Compagnie du Paris-Orléans (P.O.) ou Chemin de Fer d’Orléans qui avait été évoqué dans le premier épisode. Ces éléments nous permettront de mieux appréhender l’organisation, et les différents trains qui sont passés par cette gare.
Le P.O. est créé en 1838, la première ligne est réalisée en 1840, et Orléans est atteint en 1843. En partie sous l’influence et l’appui de l’Etat Français, la compagnie va intégrer (par acquisition principalement) dans la première moitié des années 1850, différentes compagnies, dont par exemple la Compagnie du Grand Central opérant sur le Massif éponyme, alors présidé par le Duc de Morny, demi-frère de Napoléon III. Ce dernier et le gouvernement, poussaient à la création de compagnies plus solides financièrement.
Épisode 3 : La gare de la Sauvetat-du-Dropt : La signalisation et le matériel roulant (locomotive à vapeur et voitures voyageurs)
La signalisation, quelques généralités
La circulation et la protection des trains, leur annonce, font partie de la signalisation. Le sujet est assez complexe, en raison des différents éléments techniques et réglementaires qui
peuvent être pris en compte au sein de chaque catégorie contribuant à la signalisation. Cette question est ici abordée de la façon la plus simple possible.
Sous cette appellation, on a trois grandes catégories de matériels qui participent de cette logique :
• Les lignes téléphoniques
• Les cloches d’annonce
• Les signaux en tant que tels, qui peuvent être à main telle la gravure ci-contre, fixes, mécaniques et lumineux ou plus contemporains, entièrement lumineux.
Evidemment, le chef d’une gare joue un rôle central dans la mise en œuvre de la signalisation dans les gares des petites lignes. Sur les grandes lignes et les grandes gares, on aura
du personnel dédié dans un poste de signalisation ou d’aiguillage.
Épisode 4 : Fermeture définitive des lignes, et arrivée du Pullman 4150 dans la gare de La Sauvetat du Dropt en avril 1944.
Monsieur Eric Comont poursuit ses investigations et raconte non seulement l’Histoire de la gare de La Sauvetat du Dropt mais, pour cet épisode 4, également celle d’Eymet forcément liée.
Extrait
« Première partie : La situation des lignes de 1938 aux fermetures totales en 1953
Un premier couperet tombe pour la ligne de Marmande à Bergerac, avec la fermeture aux voyageurs de la section entre Eymet et Marmande le 5 décembre 1938 ; la liaison subsistante
entre Eymet et Bergerac subira le même sort le 23 mai 1940 (la mi-mai entre Magnac-Trouve et Bergerac), la ligne Bordeaux et Eymet suivra le même chemin le 27 juin 1940. Seuls les trains de
marchandises continueront de circuler jusqu’en 1953.
La période de la seconde guerre mondiale : d’une activité uniquement marchandises à une reprise très limitée et provisoire du trafic voyageurs vers août 1944.
La déclaration de guerre, et la guerre elle-même, vont évidemment perturber l’ensemble du trafic ferroviaire sur le territoire national, au profit des circulations militaires, ou des trains
d’évacuation… »
Épisode 5 : Le Pullman 4150 au cœur des combats du Génevrier Du 6 au 9 Juin 44 et d’une importante opération de sabotage ferroviaire
Monsieur Comont poursuit ses recherches au sujet de la Gare de La Sauvetat du Dropt tout en relatant des faits de résistance qui se sont déroulés le 9 juin 1944. Les combats du Genévrier qui coûtèrent la vie à deux jeunes résistants …
Pour en savoir plus Épisode 5 : faits de résistance, combats du Genévrier
Une gare aux portes de la ville – Résumé succinct de la municipalité
Une gare « aux portes de la ville «
Dans son livre écrit en janvier 1880 « Notice sur la ville et juridiction de la Sauvetat de Caumont« , Monsieur Aloy (Maire de 1878 à 1884 et de 1890 à 1912) termine l’ouvrage en mentionnant le début de la construction de la gare.
Elle s’est élevée, en fait, sur les terres de la commune d’Agnac voisine et c’est un mystère puisqu’elle porte bien le nom de La Sauvetat du Dropt sans que nous puissions en donner une explication. Ouvrage qui a joué un rôle important dans l’histoire du chemin de fer comme le dit Monsieur Aloy:
« Elle s’élèvera bientôt aux portes de la ville sur le point de jonction de deux importantes lignes de chemin de fer, celle de Marmande à Angoulême et celle de Bordeaux à Périgueux, et va faire de La Sauvetat le centre commercial des communes environnantes ». 31 janvier 1880
La gare sera en fonctionnement à partir du lundi 15 novembre 1886 à raison de 3 trains par jour. La Sauvetat du Dropt est une gare de croisement des lignes Bordeaux-La Sauvetat-du-Dropt-Eymet (92,5 km) et Angoulême-Bergerac-Marmande. On y transporte des marchandises et des passagers. Le service passagers entre La Sauvetat et La Souys (Bordeaux) fut interrompu en juin 1940 après avoir participé à l’exode rural du Lot-et-Garonne aussi bien qu’à l’arrivée de nombreux migrants bretons, normands et surtout italiens.
L’arrêt de la circulation des trains sur ces lignes le fut en 1953. Les voies furent démolies. Le trafic ferroviaire n’aura duré que 67 ans.
Novembre 2019, un appel téléphonique qui concerne notre gare et ses voitures ou comment l’Association « Chemin de Fer de Vendée » (CFV) fait revivre le patrimoine ferroviaire
Tout commence le 15 novembre 2019 lorsque Jean-Luc Gardeau, Maire de La Sauvetat du Dropt, reçoit un appel téléphonique de Monsieur Comont, membre de l’Association « Chemin de Fer de Vendée » basée à Mortagne sur Sèvre (85). Dans leurs ateliers en cours de restauration actuellement, une luxueuse Voiture Salon Pullman, la n°4150, classée aux Monuments Historiques depuis 2003 et dont l’histoire est liée à l’ancienne gare de notre village, étrangement située sur la commune d’Agnac.
Histoire mouvementée des chemins de fer : 1939, évacuation du parc ferroviaire à la déclaration de la guerre
A la déclaration de la guerre en 1939, la Compagnie Internationale des Wagons Lits, fondatrice du fameux train Orient-Express qui reliait Paris-Est à Istambul, évacue son parc ferroviaire dans l’ouest de la France pour le soustraire aux Allemands. Toutefois, avec la Drôle de Guerre, les voitures sont rapatriées dans les différents dépôts de l’époque. La soudaine débâcle en 1940 va entraîner une évacuation assez désordonnée du parc ferroviaire, notamment dans la partie sud de la France. La 4150 va connaître plusieurs mouvements. Ainsi entre 1940 et 1943, elle sera dans les Pyrénées, puis dans le Gard début 1943. En septembre 43, elle se trouve à Bergerac avant d’arriver à la gare de La Sauvetat du Dropt en avril 1944.
« L’association CFV a pu identifier le matériel qui était alors stocké dans cette gare, 12 voitures dont la 4150, ce qui représente un convoi de près de 280 m. Monsieur Comont précise que nous avions, à La Sauvetat du Dropt, la « crème » des voitures de la CIWL dont voici le détail :
- 8 voitures Pullman : 5 Flèches d’Or pour le Calais/Paris-Nord, 2 Côte d’Azur dont la 4150 ( initialement poru le Train Bleu – Paris-Nice), 1 une Etoile du Nord (Paris-Nord/Bruxelles/Amsterdam, toutes avec des décorations remarquables et souvent spécifique à chaque voiture,
- 2 votures lits LX, les plus luxueuses également avec des boiseries et marqueteries aussi remarquables que les pullmans,
- 2 fourgons, dont un très particulier puisqu’il s’agissait d’un fourgon truck Flèche d’Or qui disposait de deux conteneurs permettant le déchargement, chargement rapide des bagages stockés dans ceux-ci au port de Calais ou de Douvre en Grande Bretagne. »
Utilisée par la Résistance pour faire barrage sur les voies ferrées – Les Combats du Genévrier
Plusieurs voitures des gares alentours, 34 exactement, seront acheminées vers des ponts et passages à niveau pour être minées et servir de barrages. La voiture 4150, déplacée jusqu’au passage à niveau 46 de Miramont de Guyenne par les hommes de Xavier Alessandri, chef de la Résistance, sera minée le 6 juin 1944 afin de bloquer la route et la voie ferrée. L’histoire complète de cette journée de juin 44 et les noms des résistants, dont plusieurs perdirent la vie, est relatée dans Les Combats du Genévrier.
C’est un rapport, daté du 1er octobre 1944, envoyé à la direction parisienne de la Compagnie Internationale des Wagons Lits par le sous-inspecteur Mabire, qui précise que la 4150 est endommagée au niveau de son roulement, comme les autres voitures minées. Le rapport précise qu’il faut changer les essieux avant de les acheminer vers les ateliers. La 4150 restera sur place au moins jusqu’à début octobre de cette année 44, faisant l’objet de pillage. La Compagnie Internationale des Wagons Lits peine à la rapatrier.
Détail de la Voiture Salon Pullman 4150
Construite en 1929 à Aytré (Charente-Maritime), elle fait partie de la série « Côte d’Azur » et comportait 28 places assises en 1ère classe. D’une longueur de 23,50 mètres et un poids de 47 tonnes, les décorations intérieures de René Prou étaient faîtes de panneaux en loupe de frêne et de panneaux en marqueterie à base d’étain (malheureusement volés en 2011 dans l’enceinte militaire qui l’abritait à ce moment-là). Cette luxueuse voiture aux baies élargies et aux larges fauteuils inclinables faisait partie de la Compagnie Internationale des Wagons Lits, la CIWL et intégrait des trains connus dont le Côte d’Azur Pullman Express, la Flèche d’Or, l’Étoile du Nord, le Mistral, le Sud Express.
La voiture est réformée en 1972 et achetée en 1974 par l’armée, avec d’autres voitures de la CIWL, pour équiper le 5ième Génie installé à Versailles-Matelots, seul régiment ferroviaire dissous en 2010. Elle sera alors nommée Pullman Chef de Corps car utilisée comme voiture de commandement.
Après la dissolution du régiment, l’armée va chercher à confier ces voitures à des associations. C’est ainsi qu’en 2014, la 4150 est donnée au « Chemin de Fer de Vendée » par un courrier du Ministre de la Défense de l’époque, Jean-Yves Le Drian. Après quelques péripéties, elle arrive au dépôt de St Laurent sur Sèvre fin juin 2017.
En cours de restauration avant d’accueillir des touristes pour « voyager à travers le temps«
Depuis son arrivée au dépôt de St Laurent sur Sèvre en 2017, la voiture 4150 est en cours de restauration en attendant de pouvoir rejoindre le parc ferroviaire de l’association qui vous proposera d’embarquer à son bord pour faire les 22 km qui relient Mortagne sur Sèvre aux Herbiers (aller-retour). « Une balade extraordinaire au rythme du Train Touristique à Vapeur en passant par 3 vallées traversées sur de magnifiques viaducs ».
Documentation
- Documents fournis par Monsieur Eric Comont, vice-président du Chemin de Fer de Vendée : son courrier adressé à Jean-Luc Gardeau, Maire de La Sauvetat du Dropt, le 15 novembre 2019, demandant si la commune possède des informations supplémentaires; Le rapport du sous-inspecteur Mabire, employé de la Compagnie Internationale des Wagons Lits, daté du 1er octobre 1944. Les photos de la voiture 4150 stationnée à la gare de St Laurent sur Sèvre.
- Document envoyé par Jean-Luc Gardeau à Monsieur Comont par retour de courrier : le scan d’un menu du wagon-restaurant, parfaitement conservé, qui lui fut donné par un sauvetatois aujourd’hui décédé.
- Document en ligne appartenant à la Mairie de Miramont de Guyenne : « Les Combats du Genévrier » relatant une tragédie de la Résistance ayant eu lieu le 6 juin 1944.
L’Association du Chemin de Fer de Vendée est preneuse de tous les témoignages relatifs à ces voitures, à des documents écrits ou des photos afin de compléter cet historique. Il est possible de joindre Monsieur Comont via le site Internet du CFV.