Journal Sud-Ouest du samedi 6 mai. Article et photo de Camille de Lapoyade, correspondante pour le journal Sud-Ouest.
Innovation: Laurent Allanou, sauvetatois, directeur des Ateliers de la Queille à Tonneins, entend à la fois lutter contre la souffrance animale et redynamiser les campagnes.
L’idée fait son chemin au niveau national. Elle devrait même être expérimentée au deuxième semestre 2017, en Côtes-d’Or. Cette idée, c’est un abattoir mobile qui se déplacera de ferme en ferme pour tuer les bêtes sur place et leur éviter ainsi le stress du transport. Mais à Tonneins, Laurent Allanou, directeur des Ateliers de la Queille, entreprise spécialisée dans le matériel destiné à l’industrie agro-alimentaire, veut embrasser une logique qui met aussi l’humain au cœur du débat.
« L’idée est venue de ces abattoirs provisoires installés pour la fête de l’Aïd el-Kébir, dans le respect des normes d’abattage et d’hygiène. Et nous avons fait un autre constat: il y a de moins en moins d’abattoirs en France (Villeneuve sur Lot est l’unique abattoir du 47). Les éleveurs doivent parfois faire des heures de routes pour y conduire leurs bêtes. Il y a un réel problème de bien-être animal. »
Au delà de cette souffrance animale, Laurent Allanou teinte son idée d’une couleur éminemment politique: « Les métropoles absorbent et appauvrissent tout. Avec ces aménagements de territoire où tout est concentré, il y a aujourd’hui des zones isolées de tout. » Une réalité qui n’épargne pas le département.
En lien étroit avec le collectif « Quand l’abattoir vient à la ferme » auquel adhèrent plusieurs centaines d’éleveurs, Laurent Allanou a aussi été sensibilisé par ces agriculteurs qui demandent le « bien vivre et mourir » de leurs bêtes. Et veulent mieux gérer leurs circuits de distribution. « Il faut tout faire en France pour soutenir l’élevage, notamment la filière bovine qui est une filière d’excellence », défend-il.
En attente d’un feu vert national
Le chef d’entreprise a donc entamé une démarche de recherche et développement pour pouvoir proposer ses abattoirs mobiles. Les plans sont prêts. La Région, elle aussi, semble très réceptive. Il ne manque qu’une dérogation du ministère de l’Agriculture. Parce qu’actuellement, tuer ses animaux chez soi, hormis pour sa consommation personnelle, est interdit et passible de fortes amendes et de peines de prison. Mais « on est prêt! » assure Laurent Allanou.
Concrètement, un camion entièrement équipé se rendra chez l’éleveur. Avec deux options. Soit les animaux seront tués sur place, avec des normes sanitaires identiques aux abattoirs classiques et conduits ensuite vers la structure la plus proche pour la préparation et la découpe de la viande. Mais il faudra alors que l’exploitation ne se trouve pas trop loin de l’abattoir, puisque le délai entre les deux étapes est de moins d’une heure. Soit le processus se fera sur place de A à Z, de l’abattage à la préparation en quartiers.
Ce modèle d’abattoir ne pourra en revanche pas tenir de lourdes cadences comme le modèle suédois. Tout au plus, cinq ou six bêtes seront tuées par jour. Pour la gestion du véhicule, Laurent Allanou pense, entres autres, le vendre à des regroupements d’agriculteurs tels que les Cuma ou les Gaec.
Et surtout, le maître mot de l’entrepreneur, c’est la proximité. Lui-même l’appliquera pour la fabrication de son abattoir voyageur qui devrait coûter dans les 600 000 euros. Les pièces professionnelles seront fabriquées dans son atelier, et tout le reste ira entre les mains d’une carrosserie marmandaise. L’économie circulaire en résumé.